lundi 9 mai 2011

Libye : confessions d'une Kaddafette

09/05/2011 à 14h:24 Par Laurent de Saint Périer
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Mouammar Kaddafi 'a tous les pouvoirs et tout le luxe pour lui', selon la jeune femme. Mouammar Kaddafi "a tous les pouvoirs et tout le luxe pour lui", selon la jeune femme. © AFP

Dans des entretiens à la presse internationale, Oksana Balinskaya, jeune infirmière ukrainienne, dévoile un Kaddafi presque paternel et touchant de bons sentiments.

« Roi des rois d’Afrique » ? « “Guide” de la révolution » ? Oubliez le protocole : pour ses six infirmières ukrainiennes, Mouammar Kaddafi était « Papounet » (papik, en russe). Avec elles, le tyran de Tripoli était aux petits soins : salaire généreux, logement confortable, cadeaux luxueux et insignes privilèges. Dans des entretiens à Komsomolskaïa Pravda (5 avril) et à Newsweek (18 avril), Oksana Balinskaya, jeune infirmière venue du froid pour prodiguer ses soins au « lion du désert », dévoile un Kaddafi presque paternel et touchant de bons sentiments.

Lorsqu’elle débarque à Tripoli de son village de Moguilnoe, en Ukraine, Oksana n’a que 21 ans. Un regard et une poignée de main auraient suffi au colonel pour la choisir parmi six candidates au garde-à-vous lors d'un voyage à Kiev. « C’est un grand psychologue », en conclut l’élue, qui restera deux ans à son service. Parmi ses souvenirs du sérail, point de détails macabres dignes des « révélations inimaginables » de Haitham Rashid Wihaib, chef du protocole de Saddam Hussein, ni d’allusions aux bunga bunga orgiaques que l’ami Mouammar aurait, selon la sulfureuse Ruby, inspirés à Silvio Berlusconi. Les attouchements pratiqués par Oksana n’ont jamais visé qu’à prendre la tension du « Guide ». « La presse ukrainienne nous appelait le harem de Kaddafi. C’est absurde », clame-t-elle, tordant le cou à bien des idées reçues. Le colonel vivait-il parmi une nuée de pulpeuses créatures ? C’est « qu’il aimait s’entourer de belles choses et de belles personnes ». Selon WikiLeaks, des diplomates américains s’étaient inquiétés de son hypertension : intox. « Sa pression artérielle et son pouls sont ceux d’un homme beaucoup plus jeune. » Vit-il jour et nuit à la mode bédouine ? « Il n’a jamais dormi dans une tente ! » Celle-ci ne lui sert que pour recevoir ses invités.

Contradictions

Les confessions d’Oksana évoquent également un « Papounet » bonhomme, friand de couscous et de pâtes italiennes, de méditations au grand air et de musique arabe qu’il aime écouter sur un vieux magnétocassette. Un peu bourgeois, le colonel lui est tout de même apparu un brin excentrique : « Il était si maniaque sur ses tenues qu’il me faisait penser à une pop star des années 1980. » La hantise des germes le conduisait à se ganter lors de ses tournées subsahariennes, à la manière d’un Michael Jackson du désert. Ses déplacements nécessitaient l’organisation de véritables caravanes aériennes : deux avions-cargos suivaient son jet, l’un pour ses voitures, l’autre pour sa tente et sa garde-robe.

L’autoritarisme du « Papounet » n’est pas occulté. « Il est comme Staline : il a tous les pouvoirs et tout le luxe pour lui. » L’Ukrainienne était elle-même l’objet d’un espionnage quasi soviétique : « Mon appartement était truffé de micros et ma vie privée surveillée de près. » Dans ces circonstances, on se demande par quelle magie elle a pu dissimuler une grossesse interdite qui, de plus en plus visible, l’aurait incitée à fuir la Libye avant le début de l’insurrection, comme elle le confesse à Newsweek. D’ailleurs, c’est une tout autre version qu’elle livre à la Pravda : « Nous avons reçu un appel de l’ambassade d’Ukraine qui nous demandait de préparer nos affaires pour partir, ce que nous avons fait. » Autre contradiction, Oksana Balinskaya déclare à Newsweek : « J’ai eu l’impression qu’au moins la moitié de la population libyenne détestait Kaddafi. » Interrogée quelques jours auparavant par la Pravda sur le soutien populaire dont aurait joui le « Guide » il y a encore un an, elle s’étonnait : « Qui vous a dit que son peuple ne le soutenait plus ? » Sollicité sur ces divergences, Newsweek nous a conseillé d’aller poser la question à l’intéressée. La jeune infirmière aurait-elle volontairement noirci le portrait de son « Papounet » pour une presse américaine moins favorable à Kaddafi que ne le sont les médias russes ?

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