Mouammar Kadhafi: un tyran excentrique
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Mouammar Kadhafi est l'un des derniers représentants d'une race de dictateurs provocateurs dans la lignée des Idi Amin Dada, Bokassa ou Saddam Hussein.
AP
Ian Bussières Le Soleil |
(Québec) «Chassez le naturel, il revient au galop», dit le proverbe. À travers les appels au meurtre envers ses opposants et son acharnement à demeurer au pouvoir malgré les révoltes populaires, plusieurs ont revu cette semaine le vrai visage du colonel Mouammar Kadhafi, l'ennemi public numéro un du monde occidental dans les années 70 et 80, qui tentait au cours des dernières années de se refaire une image de modéré.
Celui qui s'accrochait encore au pouvoir hier en affirmant que ses plans A, B et C étaient de vivre et de mourir en Libye est arrivé en poste en 1969 après avoir renversé le roi Idris Ier alors qu'il se trouvait à l'extérieur du pays pour des traitements médicaux.
Le militaire qui n'avait alors que 27 ans est aujourd'hui le chef d'État connaissant le plus long règne, si on fait exception des familles royales. Il est aussi l'un des derniers représentants d'une race de tyrans excentriques et provocateurs dans la lignée des Idi Amin Dada, Jean-Bédel Bokassa, Mobutu Sese Seko et Saddam Hussein.
Commanditaire du terrorisme
Il faut se souvenir qu'il y a 25 ans, Kadhafi représentait pour le monde occidental l'équivalent d'Oussama ben Laden aujourd'hui. Celui qui finançait alors ouvertement différents mouvements révolutionnaires à travers le monde était considéré, durant les années 80, comme le principal commanditaire du terrorisme mondial.
On l'a associé de près ou de loin au massacre du mouvement Septembre noir commis lors des Jeux olympiques de Munich, à l'explosion d'une discothèque de Berlin fréquentée par des militaires américains en 1986 et, surtout, à l'explosion du vol 103 de la Pan American World Airways au-dessus de la ville de Lockerbie, en Écosse, en 1988.
L'ex-président américain Ronald Reagan avait même qualifié le dictateur de «chien fou du Moyen-Orient», lançant en 1986 des attaques de bombardiers sur les villes de Tripoli et de Benghazi qui ont causé la mort de 45 militaires et officiers gouvernementaux de même que de 15 civils, dont Hanna Kadhafi, fille adoptive du colonel. Ces attaques connues sous le nom d'opération El Dorado Canyon se voulaient une réponse à l'explosion de la discothèque berlinoise.
En plus des actes terroristes et de sa répression violente de toute opposition, le colonel Kadhafi, qui contrairement à d'autres leaders autoritaires ne s'était pas autoproclamé général après sa prise de pouvoir, était aussi connu pour ses déclarations enflammées, ses vêtements flamboyants et ses habitudes excentriques.
Le riche dictateur, dont la fortune familiale serait évaluée à 60 milliards $, ne manque pas non plus d'exprimer sa fierté de ses origines bédouines, amenant même avec lui un chameau lors d'une visite en France et trimbalant toujours dans ses valises une somptueuse tente qu'il plante dans les villes où il se rend et sous laquelle il reçoit ses visiteurs.
Lors de l'assemblée générale des Nations unies à laquelle il a assisté en 2009, il avait essuyé de multiples refus dans ses tentatives de dénicher un endroit pour établir son campement avant de réussir, à l'aide d'intermédiaires, à louer un terrain appartenant à l'homme d'affaires Donald Trump en banlieue de New York.
Kadhafi et les femmes
Kadhafi est aussi reconnu pour son intérêt particulier pour la gent féminine. Sa garde personnelle est composée de 40 jolies femmes entraînées aux arts martiaux et au maniement des armes à feu.
On raconte que les femmes qui composent ce «commando des amazones» doivent faire preuve de leur virginité et qu'elles sont choisies par Kadhafi lui-même. Elles auraient également droit à certains avantages, dont celui de pouvoir porter des coiffures et des vêtements occidentaux, du maquillage, des talons hauts et d'autres accessoires considérés comme inacceptables dans le monde musulman.
Le colonel ne voyage également jamais sans une infirmière ukrainienne nommée Galyna Kolotnyskaya, dont très peu de photos existent, mais qui a été décrite comme une «voluptueuse blonde» dans un document américain diffusé par WikiLeaks à la fin de 2010.
La journaliste française Memona Hintermann-Afféjee affirme également que le dictateur aurait tenté de la violer et l'aurait menacée de mort lors d'un reportage en Libye en 1984.
Plus récemment, lors d'une visite à Rome l'été dernier, le colonel était même allé jusqu'à payer l'équivalent de 100 $ à 500 jeunes femmes, essentiellement des étudiantes qui se rendaient disponibles pour faire la promotion d'événements commerciaux, pour qu'elles assistent à une conférence qu'il prononçait.
Les spectatrices, à qui on avait ordonné de se vêtir de façon modeste, ont eu droit à un discours complètement éclaté dans lequel le colonel affirmait que les femmes étaient davantage respectées en Libye qu'en Occident, leur offrant même son aide pour dénicher des maris libyens. Il avait aussi invité l'Europe à se convertir à l'islam.
Tentatives d'ouverture
Les voyages de Kadhafi à travers le monde faisaient suite à ce qui ressemblait à une tentative d'ouverture commencée il y a quelques années. En 2003, il avait permis aux inspecteurs internationaux de démanteler son arsenal d'armes chimiques, et, en 2003, son gouvernement a admis la responsabilité pour l'attentat de Lockerbie, acceptant de payer une compensation de 2,7 milliards $ aux familles des victimes.
Cinq ans plus tard, le gouvernement libyen acceptait de verser 1,5 milliard $ dans un fonds afin de compenser les victimes d'autres attentats, un geste qui avait amené le président américain George W. Bush à restaurer l'immunité de la Libye contre les poursuites judiciaires liées au terrorisme.
En mai dernier, l'Organisation des Nations unies a même accordé à la Libye, à la suite d'un vote largement majoritaire, un siège au sein de son Conseil des droits de l'homme, une décision qui avait été décriée par plusieurs organismes humanitaires qui dénonçaient le choix de l'une des tyrannies les plus brutales et les plus anciennes pour l'un des 14 sièges qui étaient en jeu.
Aujourd'hui âgé de 68 ans, le «frère guide» a toutefois donné raison à ceux dans la communauté internationale qui doutaient de son passage de despote sanguinaire à leader arabe modéré quand il a annoncé hier, brandissant le poing, qu'il remettrait l'arsenal militaire du pays à ses partisans, les invitant à écraser ses ennemis.
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