lundi 7 mars 2011

Libye Fissures au sommet du clan Kadhafi avec Saïf Al-Islam - ParisMatch.com

Libye Fissures au sommet du clan Kadhafi avec Saïf Al-Islam - ParisMatch.com: "– Envoyé à l'aide de la barre d'outils Google"

Docteur en sciences politiques de l’université Paris V, Zidan Mohammed est actuellement directeur du Centre des études diplomatiques, à Janzour, au Nord-Ouest de la Libye, à 12 kilomètres de Tripoli. Toujours en poste au ministère des Affaires étrangères, il explique les raisons de la décomposition du régime du Guide...

Quel est l’entourage de Kadhafi ? Il y a autour de lui une ancienne garde composée de militaires, notamment les plus gradés qui ont profité du système pour s’enrichir avec leurs familles sur le dos de la population, des technocrates et des affairistes peu qualifiés qui contrôlent une bonne partie de l’administration. A cela, il faut ajouter les membres des “Communautés Révolutionnaires” que le peuple, dans sa majorité, déteste depuis longtemps et qui ne font rien pour attirer la sympathie. Cette ancienne garde s’était organisée pour mener une guerre silencieuse contre les réformes de Saïf Al-Islam, le fils du Guide, en corrompant les nouveaux responsables et en barrant la route aux jeunes diplômés comme moi. Le poste de directeur de section France au ministère des Affaires Étrangères, dont j’assume la responsabilité, ne sert à rien car j’occupe d’anciennes toilettes comme bureau et je ne dispose d’aucun collaborateur!

Quel est le rôle de Saïf Al-Islam, le fils de la deuxième épouse de Kadhafi ? Ayant passé ces dernières années en Occident, en Autriche et en Angleterre, Saïf Al-Islam a montré une méconnaissance flagrante de la société libyenne. Il a ouvert une discussion avec les opposants politiques, mal perçue à l’intérieur du pays par les partisans du régime. Ces pourparlers avec les groupes salafistes, qui avaient promis d’abandonner la lutte armée en échange de la libération de tous les prisonniers islamistes, ont été un échec. C’est ce qu’on a appelé chez nous l’opération “Les Vagues de Liberté”, dont les derniers bénéficiaires ont pu quitter leurs cellules le 18 février, soit deux jours après la première manifestation ! Ils sont même parvenus à créer deux “émirats”, à Derna et à Al-Baida, dans l’Est du pays.

C’est ici qu’ont eu lieu les premiers soulèvements ? A Al-Baida, précisément. Ironie du sort: la tribu des Barrassa, la plus importante, est proche du régime. La deuxième femme de Kadhafi est originaire de cette région. En plus, Al-Baida est la destination préférée de Saïf Al-Islam qui y passe le plus clair de son temps. C’est là que l’islamiste Alhassadi vient de se proclamer émir, alors qu’il avait été libéré de prison il y a un mois.

Quelles sont d’après vous les causes de cette révolte populaire ? Depuis trois au quatre ans, le pays a vécu en état d’apesanteur à cause d’une lutte de générations. D’un coté, le Guide avec sa vision traditionnelle, encouragé par un entourage usé et corrompue. De l’autre, Saïf Al-Islam qui a tenté de mener des réformes, mal préparées, mal engagées, le plus souvent menés par des opportunistes venus d’Occident.Les mouvements qui ont d’abord éclaté dans l’est du pays pour gagner quelques villes de l’Ouest, notamment Musrata et Alzaouyia, trouvent leur origine dans l’échec d’un système politique, économique et social, arrivé en bout de course. Le système a désespérément cherché à se renouveler. En vain. La corruption avait gagné toutes les institutions publiques. Les images de nos voisins tunisiens et égyptiens ont fait le reste. Inutile de rappeler que les revendications des jeunes sont plus que légitimes mais de là à les pousser jusqu’à la mort !

Après la Tunisie, l’Egypte, c’est donc au tour de la Libye de tomber ? Ce n’est absolument pas pareil. Depuis 1941, la Libye n’a connu pour le meilleur ou pour le pire (là n’est pas le débat) qu’un système politique unique. L’individu libyen n’a jamais connu ni partis politiques, ni syndicats et ne sait pas ce que veut dire la séparation des pouvoirs ! Le pays est composé d’une mosaïque tribale, il y en a plus 2 000. L’appartenance tribale prime sur tout le reste. Il n’y pas de place pour des conception telles que la citoyenneté ou l’intérêt public. Les gens qui essaient de s’organiser dans l’est ne seront jamais capables d’avoir un projet politique tenant la route. Même ceux qui, dans l’Ouest du pays, ne portent pas Kadhafi dans leur cœur, demandent que le Guide ne les quitte pas... Il n’est certes pas aimé par tous, mais tous savent que son départ précipité mènera le pays dans l’anarchie. Point final

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